1907. Jack London et son épouse font le tour du monde sur le voilier Snark. Lors d’une escale à Waikiki Jack décrit les eaux turquoises, merveilleuses et cristallines. Le surf valorise le culte du corps nu, sensible et virile. Le surf trop jouissif est décrié, rejeté par les missionnaires.
C’est ce jeu avec les vagues, sensuel et érotique qui exalte Jack. Il reste des heures dans l’eau. Il analyse que pour bien surfer il faut faire corps avec les vagues, ne pas les dominer mais les accompagner avec souplesse, abandon et humilité. Plonger sous la vague qui veut vous crasher, s’abandonner à l’eau sans lutter.
Il faut chercher un équilibre gracieux pour glisser sur la vague et être un roi naturel. À Hawaï le surf était une activité royale protocolaire. La planche est taillée dans un arbre soigneusement choisi et rituellement abattu. Les plages où surfent le roi et sa cour sont tabous, réservées à eux seuls.
Les conditions sont rarement aussi confortables, idylliques sur nos côtes. L’hiver arrive, moins d’opportunités pour aller surfer. On va regretter ces moments de simplicité auxquels on ne pense pas en général.
L’anticipation
On ne sait pas vraiment à l’avance. La session peut être du n’importe quoi. Malade ,top, époustouflante. Ou cruelle, impitoyable, bizarre. Parfois douce, apaisée, glassy. Les vagues ne font jamais la même chose 2 fois .
Prendre sa planche
La sortir de la housse, la tenir sous le bras, la waxer. Des gestes simples, rituels réalisés avec soin, presque de la tendresse et qui contiennent beaucoup de sens.
L’engagement
Sur le sable ,on check en enfilant la combinaison. On frétille ,on se précipite vers l’océan et on est à fond dans le moment, l’engagement. Peu importe les conditions, c’est parti on y va ! Après avoir enfilé une combi, aucun surfer n’a quitté la plage sans aller à l’eau. Cela serait inconcevable, criminel.
Le premier canard
Il existerait une réponse physiologique qui se produit dans le corps lorsque le visage d’une personne entre dans l’eau. Une pression qui déclenche une variété de réflexes dans le cerveau, les poumons et le cœur. En d’autres termes, ce buzz fou ressenti au premier canard est confirmé par la science.
Le ciel, le soleil et la mer
L’eau salée qui a un effet positif sur le corps, l’humeur, l’esprit, les cœurs brisés, l’âme assoiffée, tout ce qui vous fait du mal.
Il n’y a que l’océan qui nous rende à nous même. Qu’espérer d’un amour pur sinon qu’il rende notre solitude pure ?
La première vague
La première vague vous donne un sentiment d’exaltation, peu importe le nombre de vagues surfées cette semaine, ce mois-ci . Ce premier surf se loge dans votre psyché et vous fait voir et ressentir le monde différemment.
La glisse
Au fond, rien d’autre n’a d’importance. Seuls les surfeurs connaissent cette sensation lorsque la masse d’eau vous amène soudainement à un endroit différent de celui où vous avez commencé : magique. Et le besoin irrépressible de ressentir cette sensation, un désir ,une envie comme accro à une drogue.
La vitesse
Peu importe que la vague soit molle ou speed, on surfe en laissant toute pensée derrière soi. On enchaine les manœuvres, on fonce sur l’épaule. Une partie de vous aimerait arrêter le temps , rester là en suspension entre le passé et l’avenir.
La chute
Chaotique et magnifique, le bouillon sans fin, la chute qui nous rappelle que nous ne sommes que des humains et pas des dauphins. Ce n’est jamais pareil, parfois c’est douloureux mais cela en vaut toujours la peine.
L’humilité
Parfois on a l’impression d’étre en feu, on est à fond, la planche fait partie de vous, on est grisé. Cela ne dure pas et l’Océan vient vous rappeler qui est le boss.
Les sessions de merde
Si on n’a pas surfé depuis longtemps, on arrive à regretter ces sessions de week-end de petites vagues avec la foule. Ces sessions frustrantes où on est déçu à la sortie de l’eau agacé quand on a l’impression que les autres ont eu les meilleures vagues. On a profité des reflets aquatiques, des jeux de lumière , de la contemplation, immobile, bras croisés regard perdu vers l’horizon.
L’évasion
Faire quelque chose qui est certes enfantin mais que beaucoup d’entre nous prennent trop au sérieux. Le surf mélange une joie simple et euphorique avec une dépendance adulte dans un mix complexe. Sérieux, faut relativiser.
L’optimisme
La prochaine fois, on fera mieux. Il y aura toujours une prochaine fois, toujours une autre houle qui arrive .Une pause puis une autre chance d’aller surfer et de glisser sans effort vers le plaisir .
Le détachement
Pas de téléphone, pas de Netflix, pas de mail, pas d’Instagram. Une introspection silencieuse pendant les accalmies, le bruit des vagues, le grondement des tubes, le cri des mouettes, le sifflement du vent. C’est tout.
La camaraderie
En descendant la plage pour aller surfer, il y a ce regard entendu de la part du gars ou de la fille qui revient. Le bon gars qui s’arrète quelques secondes pour dire : il y a un peak sympa avec pas de monde, c’est une bonne option. Merci pour le conseil et les bonnes ondes !
La compétition
La quête de vagues et la recherche du bon placement. Vaincre le courant pour être pile au pic et surfer la bombe. Un challenge qui nous fait calculer, élaborer des stratégies. Une compétition pour gagner un bref moment de satisfaction, une récompense, un cadeau de la nature.
Le côté bizarre des initiés
Les conversations des autres surfeurs. L’ obsession aiguë pour les planches, la façon dont on analyse et compare comme si nos vies en dépendaient. Le nombre de dérives, les concaves, channels, le volume ou la composition PU/PE.
Le challenge créatif
Réussir une manœuvre innovante. Cela peut être aussi simple qu’un floater, caler un beau tube ou replaquer un aérial. Peu importe le challenge c’est une victoire individuelle.
Le retour
La banane du surfeur triomphant qui revient après une bonne session.
L’éclat post-surf
Cet état subliminal apparenté au repos du guerrier.
Douce mer dont les flots chéris,
Ainsi qu’une amante fidèle,
Jettent une plainte éternelle
Sur ces poétiques débris,
Que j’aime à flotter sur ton onde.
Excellent