Vivement les JO. Comme de nombreux français, voilà une belle occasion d’acheter un nouveau téléviseur pour vivre pleinement l’évènement planétaire. Chaque gouvernement avance son nombre de médailles. Sur une photographie des résultats sportifs obtenus en 2019, la France occuperait le 9ème rang (soit un recul de 2 places en comparaison des JO RIO 2016) avec 10 médailles d’or, 9 d’argent et 18 de bronze, soit un total de 37.
« On va avoir un niveau de médailles dans la fourchette de 35-42, malgré les 38 podiums ajoutés aux Jeux avec les disciplines supplémentaires (surf, skateboard, baseball, softball, escalade, karaté et deux épreuves de basket 3X3 et de BMX Freestyle) » se risque Claude Onesta, le patron de la nouvelle Agence Nationale du Sport. Aucune breloque en surf pour les français n’est envisagée. Allons, pas de défaitisme ! En sport, jamais rien n’est écrit.
Il est vrai que l’on peut nourrir certaines inquiétudes sur de nombreux registres : des vagues minimales et très aléatoires, des surfeurs français plus excités à affronter les mâchoires caverneuses de Teahupoo que de se taper une indigestion de fricassée de sauterelles dans des vagues de dentelières, des critères de jugement qui privilégient les envolées lyriques au détriment d’un surf de laboureur, des juges plus ou moins compétents et intègres qui ne manqueront pas de pousser les notes de leurs compatriotes.
SurfingVox vous propose une analyse de la situation et une revue d’effectifs.
Trois français qualifiés aux JO Tokyo 2021 sur un maximum possible de 4 compétiteurs par nation.
Pour la première fois de son histoire, le surf fera sa rentrée lors des JO Tokyo en 2021
Après des sélections rocambolesques et de sérieux tiraillements entre la WSL (World Surf League) et l’ISA (International Surfing Association), 40 surfeurs (20 hommes et 20 femmes) ont enfin été sélectionnés. Parmi eux, la France sera représentée par Michel Bourez et Jérémy Florès pour les garçons et Johanne Defay pour les filles. La France disposera de trois représentants au même titre que l’Australie et le Japon, mais derrière le Brésil et les États-Unis avec quatre représentants.
Fiasco pour les français aux Championnats du Monde ISA 2019. L’équipe de France prend la 13ème place.
Les performances réalisées par les meilleurs mondiaux lors des championnats du monde ISA qui se sont déroulés au mois de septembre sur le spot japonais prévu pour les JO 2021 nous apportent quelques lumières :
Les surfeurs les plus complets appréciés pour leurs « carves », leurs enchaînements et leurs manœuvres aériennes ont tiré les marrons du feu :
1 : Italo Fereira/BRA
2 : Kolohe Andino /AUS
3 : Filipe Tolédo/BRA
4 : Shun Murakami/JPN
Certains surfeurs essentiellement appréciés pour leur « carving surfing » et leurs « powermoves » Ramzi Boukiam (6ème), Frédérico Moraïs (7ème) et Billy Stairman (8ème) accèdent aux demi-finales dans vagues globalement capricieuses.
Bon, on ne va pas se mentir ! Ces championnats du Monde ISA furent un fiasco pour nos frenchies qui se font tapés par l’Allemagne et le Canada, deux grandes nations du surf. Le coq de la fédération française n’a pas chanté. Moi aussi, il m’arrive parfois de mettre la poussière sous le tapis. Pas vu, pas pris. A leur décharge, pas d’enjeu, pas de jeu.
On ne parlera pas de certains surfeurs du circuit pro déjà qualifiés par la WSL, contraints et forcés de participer pour gagner leurs tickets aux championnats du monde ISA sur le spot des JO, juste en trempant un orteil dans l’eau. C’est beau le sport !
De nombreux sociétaires du top mondial professionnel sont passés à la trappe, à commencer par Owen Wright et Julian Wilson (71ème ), suivis par nos deux français Jérémy Florès et Michel Bourez (46ème), puis par Ricardo Christie et Conner Coffin (37ème) et enfin Jordy Smith (31ème) et Ryan Callinan (25ème). « La force majeure » pour le philosophe Clément Rosset, « c’est la joie ». Ceux-là ne devaient pas être heureux de batailler dans ces vagues de chantier qui ressemblent à ces beach-breaks landais hivernaux chaotiques et dépressifs.
Par la suite, nos deux compères dépités touchèrent le fond de la piscine à Kelly en se faisant tordre dès les premiers tours…. Mais quelques jours plus tard, le phénix, Jérémy Florès renaîtra de ses cendres en remportant de façon magistrale un somptueux Hossegor pro.
Coup de blues également lors de ces championnats du monde du côté des femmes dont la compétition a été remportée par deux vétérantes de 53 kg toutes mouillées, la péruvienne Sofía Mulávonich (37 ans) et la brésilienne Silvana Lima (35 ans). Notre française Johanne Defay accédant à une bien pâle 25ème place sur 104 compétiteurs. Bon, elle se refera la cerise la semaine suivante en terminant deuxième du FreshWater Pro (la baignoire à vague de Kelly) puis enchaînera deux semaines plus tard sur une magnifique 3ème place sur le Quik Pro d’Hossegor.
Le surf aux JO, une roue de secours pour le business du surf ?
Quelques grincheux contestataires regrettent la reconnaissance du surf aux JO. C’est la rançon de la gloire, diront certains. D’autres ne comprennent pas que les JO ne se déroulent pas à Lacanau, Biarritz ou Hossegor. Les entreprises du surf y voient l’occasion rêvée de relancer la machine à billets. Quick silver comme on dirait en anglais. L’argent rapide quoi !
Lorsque l’on regarde l’effet calamiteux des JO sur l’image du windsurf, on peut s’interroger sur l’impact du surf aux JO pour le business des fringues de surf. L’image de liberté, de rebelle, dont se sont nourrie les entreprises du surf pour développer leur business pourrait être passablement ternie ( également pour leur positionnement en faveur des piscines à vagues) et les core surfeurs pourraient bien se détourner définitivement des marques historiques mainstream du surf pour rejoindre la cohorte de petites marques plus créatives qui fleurissent dans le milieu du skate. Ce fut d’abord le Windsurf qui a quitté la maison du surf au milieu des années 80 pour rejoindre la Fédération internationale de la Voile pour quelques subsides et la promesse d’entrer aux JO. Ce fut ensuite le tour de Skate qui a abandonné ses parents sur le bord de la route pour rejoindre la Fédération Internationale de Roller Skating (FIRS), moribonde trop contente de récupérer une jeune discipline en vogue et se refaire une virginité pour prendre le nom de « World Skate » en 2017.
Au passage, puisque le skate fera à Tokyo sa rentrée olympique, on aimerait bien qu’Edouard Damestoy (champion du monde lors des World Roller Games en 2019) soit sélectionné. Sympa, hyper simple et il fracasse. En plus son père, le fameux Toy, spécialiste des ailes d’avion, shaper palabreur de Lacanau est un ami (si vous connaissez le sélectionneur, sait-on jamais !).
Ne nous égarons pas ! Pour attirer les foules, la WSL et l’ISA vont devoir se pencher sur le traitement de l’image, la qualité des commentateurs et la diffusion en direct de la compétition. La tâche n’est pas simple. Faut bien reconnaître que la manière dont la WSL et l’ISA présentent les compétitions est « boring » notamment lorsque les vagues frisent le bas-ventre, sans réel enjeu
Les JO craignent de s’éloigner de la jeunesse.
Multinationale richissime, le CIO craint deux choses, la concurrence des sports professionnels, lesquels pour la plupart participent à reculons (tennis, football, …) aux JO ou refusent tout simplement de participer (football américain, golf, rugby à XV …) ; et l’émergence de nouveaux sports attractifs pour les jeunes. Ils ont même commencé à se faire des mouillettes face au succès des X-Games, ringardisant cette vieille dame centenaire avec ses protocoles et sa cour, ses médailles et ses légions d’honneur (j’en connais !), ses chevaliers et ses courtisans, ses sombres affaires de pognon et de magouilles, ses hymnes et ses flonflons.
La décision du CIO de valider 4 nouveaux « sports », le surf, le skate, l’escalade et le breakdance annonce un renouveau, quitte à tenter de jeter par la fenêtre des sports historiques comme la lutte en 2013 pour déficit d’image, ou la boxe en 2019 pour d’obscures raisons de gouvernance et de magouilles. Le président de la fédération internationale de boxe, Gafur Rakhimov, considéré comme un criminel par les États-Unis s’est mis en retrait pour convaincre le CIO maintenir la boxe dans le tournoi olympique.
Quant au surf, notre sémillant excentrique président Fernando Aguerre (fondateur de la marque Reef) a attaqué son 9ème mandat et sa 26ème année d’effort à la tête de la fédération internationale pour que le surf soit enfin reconnu par le monde olympique.
Revenons à nos moutons ! La présence de ces quatre sports, dont trois seront présentés aux Jeux de Tokyo en 2020 (escalade, skate et surf), est toutefois encore soumise à un ultime examen de la part de la commission exécutive en décembre 2020 pour valider définitivement les disciplines retenues pour Paris 2024. Le CIO pourrait, en théorie, encore retirer l’un de ces sports mais cette éventualité pour le surf est peu probable dans la mesure où il a validé le spot de Teahupoo.
Dans la mesure où les JO 2028 se dérouleront à Los Angeles, le surf et du skate devrait être maintenu dans la Cité des Anges. Difficile, en effet, d’envisager l’éviction de ces sports de glisse développés en Californie dans les années 50.
Pardon, je peux poser une question ? C’est quoi la créativité et l’innovation ?
« Nous avions décidé que la créativité serait au cœur de ces Jeux et qu’ils seraient innovants », a déclaré à la presse Tony Estanguet, patron du comité d’organisation des Jeux de Paris, pour expliquer ces choix.
Injonction des temps modernes, soyez innovants vous serez moins cons. Parce qu’il y a innovation et innovation. Lorsque l’innovation consiste à saccager une vague pour finir par un double axel et un salto, ceux-là feraient mieux d’aller faire un tour chez plumeau au patinage artistique. Non mais quoi ! Le surf c’est la vague, des trajectoires, un tempo, une musique, une énergie.
Certaines vagues du circuit comme Teahupoo ou Pipeline sont faciles à juger, le choix des manœuvres pertinentes étant limité. On notera la taille de la vague, la pente, le départ, la longueur et la profondeur du tube…. et, pardon mesdemoiselles, des coucougnettes. Facile à voir et à comprendre pour le public… mais l’affaire est toute autre lorsque les vagues offrent différentes options pour les chevaucher.
Dans les vagues minimales, les frictions au niveau du jugement commencent, la tension est palpable. Si vous n’y connaissez rien. Je vous explique. C’est comme pour l’élection du pape, si le vote n’est pas concluant, la fumée est noire ; En revanche, en cas de fumée blanche, cela veut dire qu’un nouveau pape est arrivé. Les commentaires resteront circonscrits au concile on n’en sera rien des ébats et des débats. Le perdant déchu pourra se lâcher d’un doigt (ce n’est pas bien), il ne lui restera qu’à féliciter le vainqueur.
Comment comparer trois carves enchaînés en continuité et un gros traviole avec un air 360° ? La tendance est plutôt de valoriser les airs, innovants, disent-ils, mais bon nombre de ces « airs » massacrent la vague au lieu d’être à son service.
Nous français avons de quoi être inquiets. « La créativité ce n’est pas rendre le simple compliqué, mais le compliqué simple », comme dirait le Jazzman Charles Mingus.
Si cette définition est validée par la fédération international et le CIO, on applaudit des deux mains.
Les juges, vous allez donc nous poser des scores sur les gros carves de Jérémy, Michel et Johanne qui sont des spécialistes de la ligne top to bottum, un surf minimaliste de précision, d’appui et de force, un surf qui creuse la vague et fend l’eau à l’image de Moïse qui a écarté les eaux de la mer rouge.
On n’est pas franchouillard mais on se méfie des juges
Et puis, nous les français, ce n’est pas que l’on est franchouillard mais on se méfie des juges. Sur le circuit pro, dans la mesure où ils sont grassement payés (c’est normal que leur expertise soit valorisée) la concurrence est rude. Donc, ils ne veulent surtout ne pas se faire remarquer par le chef-juge en postant des notes qui ne seraient pas en concordance avec les autres juges. Dociles, ils obéissent pour être maintenu sur le tour pro plutôt que prendre le risque d’appuyer la note pour faire passer un compatriote. L’œil exercé au contact des meilleurs surfeurs de la planète, ces juges sont professionnels et malins. Nous, les nazes, … on voit bien qu’il y a chaque année des surfeurs tendances qui bénéficient de la mansuétude des juges. Ceux qui savent, donnez-nous des noms ?
Il faut savoir les règles de compétition et la sélection des juges pour les JO relève de la fédération internationale de surf, laquelle a fait un « good deal – win-win « comme dirait notre ami Trump, afin que la WSL accepte que ses surfeurs participent aux JO. Si la WSL, société privée, avait décidé d’interdir à ses coureurs de participer aux JO (sous peine d’éviction du circuit pro), nul ne doute que la plupart des surfeurs du top 16, les plus bankable auraient désertés la scène olympique.
Pour inciter la WSL à libérer les surfeurs pro de la WSL, l’ISA a négocié le calendrier pour éviter que la date des championnats du monde ISA se déroule en même temps qu’une compétition majeure du circuit pro. Par ailleurs, l’« agreement pack », prévoit que le Chef Juge de la compétition sera choisi parmi les meilleurs juges du circuit pro sur proposition du pays organisateur (le Japon) avant d’être ratifié par l’ISA. Il est donc fort probable que la Japon choisisse un Chef Juge japonais. Ensuite l’ISA nomme 3 juges internationaux sur la base des résultats 2019. Les trois premiers dans l’ordre, Brésil, Etats-Unis et Japon obtiennent donc une place de juge. Puis les 4 derniers juges seront choisis par l’ISA parmi l’ensemble des candidatures de chaque pays. Avec 4 surfeurs qualifiés, l’Australie devrait récupérer une place, avec 3 qualifiés la France devrait également récupérer une place, et la bataille pourrait se jouer sur les 2 dernières places parmi les pays qui ont deux surfeurs qualifiés (Nouvelle Zélande, Pérou, Afrique du Sud).
Contrairement aux règlements de la WSL qui prend en compte les notes de tout les juges, le règlement de l’ISA précise que la note la plus haute et la plus basse seront éliminées pour chaque vague surfée (sur un panel de 5 juges). Cela permet d’éliminer les vagues sur-notées ou sous-notées.
Si les vagues sont minimales et sujettes à polémique en valorisant certains critères au détriment des autres (le nombre de manoeuvres, les carves, les airs, la vitesse, la puissance…), il sera nécessaire que l’ISA veille au grain en s’assurant que la règle soit bien clarifiée pour tous et s’assurer ainsi que ce soit le meilleur qui gagne, indépendamment de sa nationalité.
Au final, ils ont donc intérêt à bien noter les français ! Non mais, quoi !
A suivre !
C’est pas pour me vanter mais il fait chaud aujourd’hui !
Don Diego de la Vega, alias Zorro,