Si l’avenir du surf pro n’invite pas à l’optimisme, on pourrait peut-être trouver autant de raisons de se réjouir que de prétextes à couplets geignards. Le surf pro ne mérite peut-être pas le procès qui lui est fait aujourd’hui et renaîtra sans nul doute de ses cendres.
Mais il faudra bien, un jour, se pencher sur les raisons qui l’ont amené au bord du précipice avant qu’un virus ne le pousse dans le vide. Seule une mise à distance critique, que nous ne ferons pas ici, permettrait de comprendre comment on en est arrivé là.
Alors que la pratique du surf se développe partout dans le monde, portée par une aspiration à vivre différemment plus proche de l’environnement dans une autre relation à l’espace et au temps ; alors que les planches, les combinaisons, les accessoires sont devenus moins couteux et plus performants ; alors que le surf est passé discipline olympique ; alors que les contrats des meilleurs surfeurs pros ont été multipliés par dix et vingt en quelques décennies, on peut se demander pourquoi les samouraïs de la World Surf League se sont offerts un enterrement de première classe. Le code d’honneur trahi, valait bien un Hara-Kiri, ou plutôt un Ara qui rit.
Allons, ne nous égarons pas ! C’est tellement français de balancer. Peut-être aurait-on fait la même chose aux commandes de cette Lamborghini. Nous avons tous, un jour ou l’autre, cédé à l’un de ces travers : soit le réflexe nationaliste, recroquevillé et hostile à « ceux du dehors », (les Australiens, Américains, Hawaïen, Brésiliens, …), soit l’auto dénigrement (les surfeurs français ne sont pas bons). Ce « lamento » est la pire option, quant à son contraire, les Français champions du monde, l’amour de la France, il ne se confond pas avec le nationalisme simplet. L’écrivain Romain Gary, juif de Lituanie, disait : « je n’ai pas une seule goutte de sang français, mais la France coule dans mes veines… ». Donc, promis, pas de dénigrement à propos des surfeurs pro, soyons positifs.
En ces premiers jours de déconfinement, on a assisté à un phénomène étrange sur les vagues landaises.
Plus de sécateurs, ni de coupes « hipster » passées par le barbier et la brosse spécifique en poils de sangliers, les lignes des surfeurs s’élargissent, s’agrandissent, les courbes s’adoucissent. Le surf devient composition, chorégraphie, les surfeurs ne gigotent plus mais dansent avec les vagues.
Retour aux sources chacun prend son temps, terminé le chrono, l’injonction à réaliser 3 manœuvres par vague et à claimer pour obtenir un triste 6/10 points.
Terminé les cadences infernales des compétiteurs du WQS.
Fini le pocket surfing, l’heure est à la bonne humeur, à l’amplitude, au carving surfing, au flow, au tempo. Après tant d’années enfermés, sclérosés dans un surf prévisible, confortable, à répéter des gammes, enfin la liberté. C’est comme les mecs qui sortent de prison. Vous connaissez le syndrome du prisonnier, c’est lorsque quelqu’un est enfermé et qu’il ne fait rien. Et en ne faisant plus rien, il est de plus en plus fatigué et a de moins en moins envie de faire des choses. Ils ne peuvent plus sortir de prison. Ils ont les « barreaux dans la tête » ou plutôt le chrono. Ce sont des surfeurs fantômes.
Besoin de retrouver l’amour, le sexe, la vie… Que faire dorénavant de ma vie, sans sponsor, sans promotion, sans image de myself qui prouve mon existence. L’angoisse, l’abîme, menace … mais ne soyez pas inquiets, le surf vous attend, un surf désintéressé, un surf entre amis, un surf qui vous ressemble, sincère et sans simulacre, un surf qui vous permettra de trouver votre propre nature. C’est cela le style. Il ne s’agira plus de ressembler à … mes couilles ; parce que le placement de son bras, de son genou ; parce que sa coupe de cheveux, son style, aura créé en vous une excitation, petite mouillette ou belle érection. Dorénavant leurs stories sur instagram n’est plus votre histoire. On ne peut tout de même pas passer sa vie à vivre par procuration. Enfin vous existez pour vous, sans avoir à parader tel le paon dans l’espoir d’être liké comme un laquais.
Éteignez tout, coupez-vous du monde et surfez.
A suivre
Bien vu !