La lutte a été serrée au sein de la confrérie SurfingVox. Faut-il donner la parole aux femmes ? Le conclave s’est réuni à la plage en ce début septembre pour statuer sur la proposition de Notre consoeur Anne de Bordeaux, particulièrement inquiète de la tentative de la mairie d’Arcachon de filer une prune de 35 euros à deux damoiselles qui se baladaient innocemment en maillot deux pièces. On comprend la mairie. Exciter ces chalands pour la plupart centenaires dans cette belle ville d’Arcachon peut porter à conséquence. Eh oui, conflit avec madame parce que monsieur reluque la poitrine gonflée et le cul ferme de la jeunesse. Et puis, il ne faut pas oublier le risque d’infarctus Messieurs Dames ! On en a vu tomber pour moins que ça.
Un sémillant membre de Surfing Vox, médecin de son état, nous explique que pour retarder la sénescence (la vieillesse), il ne faut pas vivre mais sur-vivre, lâcher les amarres. Plutôt que terminer ses jours au cimetière des éléphants, il propose que nous les « Old Good Surfers » organisions le premier séminaire de Surfing Vox dans le désert de Black Rock (Nevada) lors de ce fameux « Burning Man« .
Quelques binouzes plus tard, la biroute à l’air, la peau du gland dorée au soleil d’automne… on se dit que ce serait une excellente idée !
Vidéos et photos de surfeuses nues : pour ou contre ? Aurons nous encore longtemps le loisir de nous poser la question ? Et de débattre de la réponse : art et esthétisme vs marketing sous la ceinture et histoire de gros sous ; courbes et carves parfaites vs exploitation du corps féminin (comme si le surf, c’était du yaourt, diraient certains ! ). Quoi qu’on en pense, la liberté pour un athlète, et singulièrement une surfeuse, de répondre positivement à une sollicitation de la chaîne sportive américaine ESPN – sur les motivations de laquelle nous pourrons revenir – de participer au prochain numéro de son Body Issue pourrait-elle faire long feu ?
Courtney Conlogue
Faut-il voir dans l’avortement prématuré du film de l’australienne Felicity Palmateer (Flick pour les intimes), « Skin Deep » en 2019 un indice de la fin de cette liberté de s’exposer, de l’assumer, d’en parler ? L’égérie de Billabong revendiquait pourtant clairement sa liberté d’athlète-artiste : This project, in particular, is purely art to me. (…) The main thing to me about this is the freedom and the self-expression of living in the moment completely. Si l’on en croit notre confrère de Stab Magazine, c’est le sponsor qui aurait mis son veto au lancement du film dans un contexte #metoo.
Stab Mag : the-curious-disappearance-of-flick-palmateers-all-nude-surf-film-skin-deep
Trois faits ayant jalonné l’actualité de cet été post-confinement (il fallait bien meubler le creux post-première vague !) semblent, eux aussi, siffler la fin de la récré. Adieu le Surf naked et le National Nude Day du 14/07 inventé par les néo-zélandais en 1976 !
Surfer Magazine 2016, Surf naked : it’s National Nude Day !
Trois faits (parmi d’autres) qui pourraient confirmer une aseptisation (une désérotisation?) croissante de notre société. Trois faits qui nous parlent de notre rapport au corps, aux libertés, au vivre ensemble, de la frontière entre « en montrer trop » ou « pas assez » . Des questions, sommes toute, pas si étrangères que cela à l’univers du surf.
Trois faits dans lesquels on pourrait même voir les signes avant-coureurs d’une potentielle verbalisation de l’innocent effeuillage des surfeurs/euses pré- ou post-session…
L’histoire de la robe de Mireille Darc dans “Le Grand Blond avec une chaussure noire”
Premier fait : deux jeunes filles ont été menacées d’une amende de 38 euros pour avoir osé s’aventurer dans cette bonne vieille ville d’Arcachon en maillots de bain à la recherche d’une glace après la plage. Soit ! Aussi seyant qu’il soit, le maillot de bain n’est pas la tenue qui sied en société – en dehors s’entend de la plage ou de la piscine -. On vous l’avait dit les filles, la liberté de venir vous attabler en deux pièces après le dernier plouf dans la piscine de Tatie Ginette, n’est pas transposable en centre-ville ! Mais que dire de la description volontairement outrancière du délit commis par les deux ingénue ? Jugez plutôt :
Inès et Joséphine, deux jeunes bordelaises venues pour la journée à Arcachon, deux triangles noirs en guise de maillot de bain sur la poitrine (…).
Deux triangles en guise ? Un haut de maillot, quoi ! Rien de très extravagant. A quoi la journaliste s’attendait-elle ? Une camisole de force ?
Depuis la publication de l’article, la photo des deux ingénue a été retirée de la toile. Elles y apparaissaient pour l’une en short et haut de maillot noir, pour l’autre en maillot de bain deux pièces noir….
Deuxième fait : un zélé vigile a barré l’entrée du supermarché à une jeune maman. Motif invoqué ? Un décolleté trop plongeant… Jugez en par vous-même :
Indécent vraiment ? Question (sans vouloir tomber dans le sexisme de comptoir) : un jeune homme au slim moulant avantageusement les bijoux de famille aurait-il aussi été interdit d’emplettes ?
Troisième actu : il s’agit de la dénonciation montante du « no-bra », pratique ayant pris un nouvel essor à la faveur du confinement .
Le téton qui pointe sous le T-shirt mettrait à trop rude épreuve le self-control masculin ! Pire : 20% des Français pensent, d’après un récent sondage Ifop, que le fait qu’une femme laisse apparaître ses tétons sous un haut devrait être, pour son agresseur, une circonstance atténuante en cas d’agression sexuelle. Ben voyons ! Mais pour qui prend-on l’homme du XXIème siècle ?
Si l’on n’y prend garde, les surfeurs et surfeuses pourraient bientôt se retrouver privés de déshabillage sur le parking au cul du van, avant de plonger dans leurs combis. Et vous, fugaces voyeurs ou voyeuses malgré vous, pourriez vous trouver privés à jamais de ces petits bonheurs fugaces de pouvoir mater gratis leurs petits culs potelés…
Alors autant prendre les devants avant que cette vague puritaine ne déferle sur nos côtes et crier : SOSss ! Save Our Sea surf and sex ! Et nos âmes seront bien gardées !
Quant à trancher le débat, « surfeuse nue : pour ou contre ? », Surfing Vox envisage de solliciter l’avis d’un expert : Robinson Crusoé. Coincé sur son île paradisiaque, cerveau et corps KO, la faute aux conditions de surf parfaites, Rob n’aurait-il pas préféré accueillir Felicity dans son plus simple appareil plutôt que Vendredi ?
Contribution de notre consoeur Anne de Bordeaux
Pour aller plus loin :
Couvrez ce sein, que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées ; Et cela fait venir de coupables pensées. Molière, Le Tartuffe, III, 2
Je sais que les libérations sont éphémères, que là où les chaînes se brisent, de nouvelles chaînes se forgent, de nouveaux esclavages se préparent, et que là où une libération est incapable de faire naître une liberté, elle creuse la voie à une nouvelle oppression. Edgar Morin, Où va le monde
Pour aller encore plus loin :