Après l’article sur les JO 2021, Surfing Vox vous invite à vous projeter en 2024. Nous vous proposons le point de vue décalé de la communauté tahitienne de Teahupoo.
Après la satisfaction, la méfiance s’installe. Le collectif Mata Ara IA Teahupoo 2024 réclame la transparence sur les projets relatifs aux aménagements destinés à accueillir les sportifs, la presse et les spectateurs.
Il s’agit légitimement de préserver l’environnement et le Mana de Teahupoo.
La vague Chopes est un don de la nature. L’équilibre naturel, l’harmonie du lieu doivent étre préservés ainsi que tout l’écosystéme – récif corallien, lagon, riviére – et la biodiversité marine et terrestre.
Pout ceux à qui ce nom ne dirait rien : Chopes n’est pas une gravure de mode mais une machoire redoutable à broyer les surfeurs qui s’y aventurent. Le fameux bout du monde ou KM 0, au-delà duquel commence le Fenua Aihere : des vallées et des pics en dentelle de crêtes, sans route ni électricité, où l’éternité résiste à la modernité.
Partie de la banquise antarctique rien n’arrête la houle sur des milliers de kilomètres. Après avoir traversé le Pacifique tropical, elle bute soudain contre le récif corallien qui passe rapidement de cinquante mètres à un mètre.
C’est le premier secret de cette vague inimitable, creuse, épaisse et tubulaire si puissante, qualifiée de vague la plus effrayante du monde, titre qu’elle dispute au Pipe hawaien.
La mort rôde, le courant est violent et t’aspire vers l’intérieur de la vague pile vers l’endroit où tu ne veux pas aller. Chopes sait démembrer, scalper, râper son Roméo contre le récif comme de la noix de coco. Certains surfeurs, qui croient avoir le niveau, finissent avec des pizzas 4 fromages dans le dos.
Le deuxième secret est exprimé par Poto : The ocean wins. Mais la force spirituelle permet le défi quand le Mana est favorable.
Le Mana est une force supérieure répandue dans la nature. Il habite certains êtres et certaines choses leur confèrant le pouvoir de dominer les autres par leur puissance physique, leurs dons surnaturels. Il est réputé tenir à la fois du sacré et de la magie et pouvoir être transmis à un autre membre du clan.
Toute réussite est due au Mana et tout échec à son absence.
Le Mana, le Prana, le Chi !!!
La force de l’énergie vitale invisible qui émane de notre respiration, de notre mental, de notre corps et de notre esprit. D’où vient ce pouvoir ?
Le Prana est un terme Sanskrit, qui définit l’énergie primaire ou la respiration ou la force vitale.
Le Chi signifie aussi la force vitale, un phénomène naturel vibratoire, le flow de nature moléculaire au niveau de l’atome.
Le Mana désigne, dans la culture polynésienne, le fondement de la puissance, source de la force. Quand l’esprit est calme, l’énergie créatrice et le charisme envahissent l’être humain.
Le surfeur peut développer son pouvoir en développant ses capacités, son talent, avec beaucoup de patience et de temps. Beaucoup pensent qu’il s’agit d’un don, d’un charisme inné, présent à la naissance.
Le Mana se révèle quand on est en harmonie avec l’univers.
Le corps est calme, la vision est claire
Le Mana est un concept mythique, une vérité fondamentale mais aussi fondamentalement mystérieux et ésotérique. Le Mana est séduisant, enchanteur, glamour, fascinant mais il est aussi effrayant, dangereux et létal.
C’est l’essence du pouvoir universel, le cœur de l’univers polynésien, le propre de la vie des êtres humains et des éléments qui le façonnent.
Le Mana est la pureté. Il découle de la vie, de l’humilité, du respect, de la dignité, du partage, de la beauté, de la bonté et de la paix des êtres et des choses.
Le Mana est la sagesse. Il émane de la connaissance empirique, technique et ancestrale, du bon sens hérité de ce lien inaliénable entre l’homme et son environnement. Il est l’état de grâce que tout et chaque être peut atteindre et qui n’est pas limité aux individus car des lieux, des objets inanimés, peuvent être habités par le Mana.
Ainsi, certains surfeurs peuvent exprimer leur talent, leur charisme, tomber amoureux de la férocité, dompter cette beauté, qui subjugue mais ne pardonne pas.
JJF, KS, Owen, Gaby, Jérémy ont rencontré ces moments de grâce, combinaison de talent, de flow exalté, de conscience extrême associée à une lucidité exceptionnelle.
Référence : Libération 2 août 2018. Teahupo’o, l’âme tranchante par Ingrid Astier.