Après une petite période de suspens, la fumée blanche est sortie de la fédération française de surf qui s’était réunie en conclave en ce samedi 19 décembre 2020 pour élire son nouveau président. Les surfeurs confinés à résidence se sont prononcés à une grande majorité pour proclamer leur nouveau président Jacques Lajuncome. Welcome !
Alors les cloches de tous les clubs de France se sont mises à sonner HABEMUS PAPAM.
Le roi est mort, vive le roi ! Qui dit nouveau roi, dit nouvelle politique fédérale. Celle-là devra affirmer une véritable vision en s’appuyant sur l’histoire du surf et de la fédération pour porter haut et fort le surf et ses valeurs afin de répondre aux attentes des surfeurs et des clubs. Le chemin est périlleux, les vagues sont chaotiques, la tempête menace d’engloutir le Titanic. Gageons que les surfeurs et les clubs seront courageux et solidaires pour colmater les brèches et tenir la barre pendant cette traversée au long court ! La passion du surf est une invitation au voyage et à la transmission. Nul ne doute que vous serez attentifs à l’héritage qui vous a été légué par le vote des clubs et que vous le transmettrez à votre tour aux générations suivantes, à tous ces enfants gais et insouciants chanceux d’avoir découvert la magie du surf.
Nous les anciens, quelques questions nous taraudent cependant : Qu’est ce que le surf ? A quoi servent les clubs ? Pourquoi ont-ils décidé de s’organiser en fédération ? Comment représenter le surf et les surfeurs ?
Voilà t’y pas de bonnes questions pour l’apéro qui pourraient créer des insomnies à notre fraichement élu président de la fédération ?
Nul ne doute que les motifs de chacun devraient balayer les couleurs de l’arc-en-ciel, chaque surfeur portant sur son dos son étendard, ses couleurs, sa vision et ses valeurs. Soyez tolérants et bienveillants, il faut de tout pour faire un monde ! À chacun a son point de vue. Nous espérons en tout cas, que « La fédération au service des clubs » ne soit pas juste un slogan, un marronnier ressorti des placards à chaque mandature, mais l’occasion d’une introspection sur le surf, les surfeurs et les clubs. Surfingvox vous propose quelques éléments de réflexion :
A propos des surfeurs, voilà pour commencer des petites douceurs entendues sur la plage : « Les clubs ne représentent pas l’ensemble des surfeurs mais uniquement leurs adhérents. » Le surf n’est pas la compétition » ; « Les écoles de surf et le business ont cassé les valeurs du surf » ; « Il y a déjà trop de surfeurs à l’eau, pourquoi vouloir toujours développer et augmenter ? ; » Si la licence sert juste à avoir une assurance, quel est l’intérêt ? » Le surf c’est la liberté d’aller et venir, les fédérations ne posent que des règlements qui nous empêchent » ; « Je préfère prendre la tangente, il n’est pas question de me faire harponné par le système » ; « Je ne prends pas de licence parce que je ne suis pas attaché à un spot particulier, c’est selon les vagues » ; » Augmenter le nombre de licences est juste destiné à faire rentrer de l’argent dans les caisses de la fédération. » ; » Les clubs ne font rien » Pourquoi vouloir à tout prix augmenter le nombre de licenciés ? Pour augmenter les ressources, les services ? Pour que les surfeurs gagnent en légitimité et soient mieux considérés ? ; « Quel est l’intérêt d’avoir des clubs et une fédération ? « , …
Difficile dans cet inventaire à la Prévert de dégager une vision et des priorités. Ce sera la lourde tâche des nouveaux élus. Nous ne saurions leurs recommander d’aller surfer du côté d’Aristote pour lequel « il ne faut pas proposer un système mais inventer des solutions. »
A propos du surf. Voilà plus de 20 ans, la revue fédérale, « L’écho des Baïnes » nous invitait à nous interroger sur l’origine du surf. Il faut bien savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Un retour au sources salutaire pour permettre à la communauté des surfeurs de prendre conscience du rôle essentiel qu’ils jouent pour préserver l’essence du surf et de ses valeurs, et pour les siècles des siècles. Amen !
POUR UN RETOUR AU SURF-RIDING
1515 Marignan – 1960 : Premiers championnats de France de Surfing – 1962 : Premiers championnats d’Europe de Surfing – 1965 : création de la Fédération Française de Surf-riding – 1966 : La Fédération Française de Surf-riding obtient l’agrément ministériel – 1972 : La Fédération Française de Surf-riding est habilitée à réglementer la pratique du surf – 1977 : la Fédération Française intègre la pratique du skateboard. Dans un souci d’alléger son nom, elle devient la Fédération Française de Surf et Skate (F.F.S.S.) – 1995 : la F.F.S.S. se sépare du skate et redevient tout (trop) simplement la Fédération Française de Surf (F.F.S.). C’est cette appellation simplifiée qui est aujourd’hui contestée par certains non pas tant parce que le terme a été annexé par moultes pratiques qui n’ont rien à voir avec la nôtre mais parce qu’elle ne veut rien dire en soi et que son flou sémantique est la porte ouverte à de pernicieuses équivoques et à de suspects amalgames.
« Surf » est un mot anglais au sens bien précisé qui signifie « ressac, rouleau de bord, vague qui brise sur la côte ». Ce mot désigne donc un milieu naturel et pas du tout une activité sportive. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, pour éclairer votre lanterne, il est bon de retourner aux sources afin de voir comment les Hawaïens eux-mêmes désignaient une pratique qu’ils ont inventée voici des siècles et qui est un élément important de leur culture.
Ils disaient tout simplement, si j’ose dire, HE’E NALU. Dans le Hawaiian dictionnary de Sam Elbert et Mary Kawenda (1971), on trouve ceci ** HE’E NALU : to ride a surf board. Le mot est composé de * HE’E qui est un verbe : -to slide (glisser) -to flee (fuir) to slip (glisser) et de * NALU qui est un nom : -wave (vague) -surf (vague qui brise sur la côte). Par exemple « Ke nalu nei ka moana » signifie : l’océan est plein de vagues.
Un autre ouvrage est encore plus précis. Dans le dictionnary of the Hawaiian langage (1865) de Lorrin Andrew, on peut lire ceci : ** HEE NALU est composé de deux mots. * HEE, comme verbe à plusieurs sens : -to melt, to flow or run as liquid (fondre, se mélanger, se répandre. Couler comme un liquide) -to slip or glide (glisser ou planer) -to flee (s’enfuir). Mais HEE est aussi un nom : –a flowing liquid (un écoulement de liquide) -the menses (les menstrues, les règles) –a flight (une fuite, à l’image d’une armée en déroute) -the squid (le calmar, ainsi appelé à cause de ses qualités de glisse). NALU est un nom qui traduit : roaring (rugissement) – the surf as it rolls upon the beach (la vague quand elle déferle sur la plage) – a sea (une mer) – a wave (une vague) – a billow (une ondulation ) – the slimy liquid of the body of a new born infant (le liquide visqueux du corps d’un nouveau-né).
Cette étude trilingue est intéressante car on y trouve tous les éléments qui font la beauté et la complexité de notre sport favori. Dès les origines, le « sport » hawaiien porte un nom composé qui, grosso-modo, associe un milieu précis de pratique (la vague, surf, nalu) et une action spécifique (glisser, chevaucher, hee), le tout connoté de glisse, de fluidité, de fuite en avant, d’humeurs vitales et intimes. Le mot hawaïen définit bien la spécificité de l’acte sans préciser avec quel objet sur la pratique. On aurait pu adopter He’e Nalu tel quel (comme ça se fait dans les arts martiaux, très respectueux de culture originelle) mais ce n’était pas la tasse de thé (?) des anglo-saxons qui ont popularisé cette pratique après avoir tenté de la détruire. Malgré un essai louable pour rendre à la langue française toute sa noble place, je me vois mal dire que nous pratiquons la glisse sur vague ou le chevauchement du ressac (sauf pour rire mais vous savez bien que jamais I ‘Écho ne rit). Le terme qui reste le plus adéquat est donc bien SURF-RIDING, celui sagement adopté en 1965. Il a le mérite de traduire assez exactement les activités pratiquées et le réfèrent collent bien diraient les linguistes). Il est fidèle, dans sa version anglophone, au terme hawaiien originel. C’est un terme générique c’est à dire qu’il a l’avantage de mettre dans le même (re) sac tout ce que nous appelons maladroitement les « disciplines associées » ou « les sports dérivés ». En effet, les pratiquants du longboard, du bodyboard, du skimboard, du kneeboard et du bodysurf sont tous des glisseurs de ressac, le matelas n’étant pas considéré comme un sport. D’un autre côté, ce nom de surf-riding, dans sa précision retrouvée, rejette toutes les activités qui ont annexé le mot surf, souvent très loin des ressacs et des calmars. Et si certain voient pointer le nez d’un kayak, nous leur rappellerons que la pirogue dans les vagues est un sport sacré à Hawaï. Enfin, disons que le mot « surfing », adopté par tous les pays anglophones, nous semble moins parlant, moins dynamique et plus … vague. Il faut donc rebaptiser la fédération en Fédération Française de Surf-Riding tout en gardant le sigle F.F.S.
Qu’en pensez-vous, folks ?
Bon « surf » à tous, c’est à dire bonnes vagues. Pierre Dupouey d’après une étude très fouillée et très érudite de Baptiste.
Souriez, vous êtes filmés !
Bonne chance à la nouvelle équipe de la fédération !